Après de nombreuses années d’extrême rigueur et de discipline intense au sein des Compagnons, Mathias Kiss s’est libéré des codes de l’architecture traditionnelle et haussmannienne dictés par ses pères, pour renaître alors comme un artiste à part entière. Il signe aujourd’hui lui-même ses oeuvres à travers une approche radicalement différente de l’habitat. On ne fait plus appel à lui pour de la restauration désormais, mais pour réaliser notamment des oeuvres in situ chez des particuliers et des collectionneurs qui convoquent l’artiste afin que leurs antres deviennent oeuvres. Il ne s’agit pas ici de design mais d’installation. Mathias Kiss ne travaille ni dans l’ornement ni dans la décoration, quand des collectionneurs invitent l’artiste chez eux, M. Kiss se sert de leurs espaces personnels comme matière première pour son travail. Quand il réalise un tapis par exemple, ni la couleur ni la matière n’ont d’importance, il vient extraire une forme qu’il dessine entre les fissures qui composent un parquet en pointe de Hongrie. Ses yeux ont été éduqués à travers la rigueur et la noblesse de l’architecture à la française, il ne peut pas s’empêcher de venir détourner ces codes qu’il connait par coeur, comme un véritable leitmotiv. Quant à l’épaisseur du velours ou la teinte du tapis, il laisse les décorateurs s’en charger. Son héritage est riche, ses références apprises lors de son compagnonnage appartiennent au passé, et il sait aujourd’hui, en tant qu’artiste, comment les détourner et les amener vers des oeuvres ancrées dans le présent. Lorsqu’il parle de la Kiss Room,  véritable sculpture monumentale et habitable qu’il tapisse entièrement de miroirs ; il explique que cette chambre expérimentale aurait très bien pu être réalisée au temps de Louis XIV, une sorte de galerie des glaces d’aujourd’hui, tant les techniques qu’il a utilisé sont comparables à celles du panneautage d’autrefois. Quand il réalise des ciels peints aujourd’hui ce n’est plus pour restaurer les plafonds du Louvre, mais pour matérialiser un besoin d’air obligatoire, qu’il installa par exemple à l’ancien siège du Parti Communiste dessiné par Oscar Niemeyer. Ces ciels ne recouvrent plus des plafonds haussmanniens mais des murs verticaux, des toiles. En se séparant définitivement du compagnonnage, Mathias Kiss a rejeté de manière quasi épidermique la présence de l’angle droit. Comme une crise d’adolescence plastique, il a intitulé sa première série en tant qu’artiste « Sans 90° », comme un pied de nez à son ancienne vie. Tout un symbole. Marqué au fer rouge par son expérience de compagnonnage, qu’il décida malgré tout d’arrêter soudainement à la trentaine, l’artiste puise constamment son inspiration dans son apprentissage. Lorsqu’il réalise « Golden Snake » issue de la série « 90° » cette fois, il réinvite la corniche. Originellement placée à la naissance de nos plafonds français, cette frise dorée qu’on trouve dans les appartements bourgeois parisiens a été malmenée par Mathias Kiss.  Un artiste qui détourne sans compter les codes de nos habitats. 
- Margaux Barthelemy.